CARINE LEROY-BRAHAM
SCULPTURE + (DES)ILLUSIONS / INSTALLATION / EROS & THANATOS / RESIN AND STONE
![]() Installation / (Des)illusions / Eros & Thanatos | ![]() Installation / (Des)illusions / Eros & Thanatos | ![]() Installation / Lotus Vanity in white stone / scale 1 |
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![]() Installation / (Des)illusions / Lawangwangi Creative Space Gallery / "Embodied" Solo exhibition | ![]() Installation / Eros in resin / h150 | ![]() Lotus Vanity in white stone / scale 1 |
![]() Lotus Vanity in white stone / scale 1 | ![]() Installation / (Des)illusions / Eros & Thanatos | ![]() Eros in resin / h150 / "Embodied" Solo exhibition at Lawangwangi Creative Space |
![]() Eros in resin / h150 / "Embodied" Solo exhibition at Lawangwangi Creative Space |
+ (DES)ILLUSIONS par Edouard Mornaud, Directeur du Centre Intermondes, La Rochelle
« Dans cette installation, Carine Leroy-Braham développe son projet « Embodied » de la peinture à la sculpture, et ouvre de nouveaux champs de réflexion, approfondissant les niveaux de lectures.
D’un point de vue purement occidental, le travail de peinture nous donne à voir le sexe masculin fait de chair et de sang, dépourvu de sa dimension érotique. Dépouillé de corps, le sexe devient objet symbolique de force ou de faiblesse. Ce sexe est-il en en semi érection se gorgeant de sang comme annonciateur de force et virilité ou se présente-t-il après l’acte sexuel vers le repos après avoir transmis la vie ? C’est toute cette ambiguïté et la force de la peinture de Carine Leroy-Braham qui laisse le visiteur se questionner autour du cycle de vie.
Dans le contexte asiatique, le lien avec le lingam - souvent constitué d’un bloc de pierre sculpté et dressé - est immédiatement identifiable. D’apparence phallique, le lingam, dans la religion hindouiste, représente Shiva, et symbolise l'énergie et la force masculine avec cette ambivalence du dieu, ascète mais aussi figure majeure du tantrisme. Toujours dressé, et donc immédiatement associé à la masculinité, potentiellement créateur, il est aussi associé à la déesse Shakti et à l'énergie féminine. C’est aussi le message de Carine Leroy-Braham qui puise dans ce travail une énergie créatrice universelle, la force reproductrice de la nature, en outrepassant paradoxalement la question du genre.
Au-delà du rendu immédiat de l’œuvre et d’une scénographie que l’on pourrait comparer à une mise en scène théâtralisée d’une apparente tragédie (les personnages sont sur scène, dans une distribution précise, avec un rideau de scène pourpre), son travail relève plutôt d’une recherche de l’interprétation de nos pulsions, une charge énergétique qui fait tendre l'appareil psychique vers un but que le visiteur doit explorer lui-même. La proposition artistique de Carine Leroy-Braham, si elle s’inspire d’un même symbole interprété différemment dans d’autres cultures, se place sur un terrain à part. En effet, sa réflexion, toute spirituelle qu’elle soit, ne se transpose pas sur le plan religieux : il s’agit davantage de l’équilibre des forces - entre action et repos, puissance et fragilité de la vie et de la mort - encore renforcé par la forme stylisée d’ellipse, comme celle de l’univers.
Ces deux formes de spiritualité se rejoignent dans cette installation qui constitue la synthèse des deux séries présentées « Adorned Vanities » et « Eros et Thanatos » qui se complètent sur le champ de la sculpture en délivrant un message universel.
La forme oblongue dressée au centre d’un plateau circulaire est présentée sur un piédestal, telle une nouvelle idole vénérée par des crânes humains blancs, pétrifiés, aux orbites vides. Le rideau rouge tendu accentue l’ambiance apocalyptique de la scène en y apportant également une touche de féminité. Il est ainsi aisé et tentant de faire le parallèle avec le tableau « L’origine de la Guerre » (1989) de l’artiste Orlan, lui-même inspiré du tableau de Gustave Courbet « L’origine du Monde » (1866). Si le « Memento Mori » rappelle aux hommes, qu'ils sont mortels et la vanité de leurs activités ou intérêts terrestres, l’artiste semble poser la question de savoir s’il n’est pas déjà trop tard ? L’homme, sous des prétextes idéologiques, est-il la cause de sa propre perte ? La sculpture centrale si elle peut être perçue comme phallique et arrogante, nous rappelle aussi la forme d’une bombe, d’une arme de destruction créée de la main de l’homme, celle de « Little Boy ». Soixante-dix ans après le drame d’Hiroshima qui a coûté la vie à des milliers de personnes innocentes, qu’en est-il aujourd’hui ? Nous hésitons toujours entre la vie et la mort… Carine Leroy-Braham nous ramène sur le chemin de la réalité en nous rappelant que l’apocalypse est bien une dérive purement humaine !
Le travail de l’artiste est en cela subtil qu’il nous invite vers des pistes de réflexion sans nous diriger sur une voie précise. Ainsi, le lingam peut-il être appréhendé comme une arme, un sexe masculin et à la fois un cocon abritant la vie. L’artiste laisse le choix au visiteur d’y trouver sa propre interprétation en choisissant de ne transmettre que des clefs de lecture ouvrant sur des imaginaires.
C’est là le cœur du travail de Carine Leroy-Braham, la dualité sans cesse questionnée qui nous fait hésiter entre Eros et Thanatos, entre les pulsions ambivalentes de vie et de mort, le début de quelque chose, à moins que ce ne soit la fin d’une autre ? L’éternité dans ce cas précis n’étant pas nécessairement vue comme symbole d’immortalité. C’est bel et bien autour du thème de la spiritualité, vue et questionnée comme quête de sens, que s’interroge l’artiste. »